Répercussions et conséquences de la couverture de l’actualité criminelle
Les figures narratives et les pratiques de l’industrie de l’actualité criminelle ont des répercussions profondes sur la société, allant de la distorsion de l’opinion publique à l’influence sur les politiques, en passant par des préjudices bien réels pour les individus et les communautés.
Effets sur la perception publique et la peur du crime
La couverture médiatique de la criminalité n’est pas proportionnelle aux tendances réelles, ce qui « peut fausser la perception du public quant aux taux de criminalité, amenant les gens à croire qu’elle est en hausse alors qu’elle est en réalité en déclin »[1].
- Peur : la consommation de nouvelles locales sur la criminalité est clairement liée au sentiment de sécurité personnelle. Une consommation fréquente de nouvelles courantes, populaires et commerciales, souvent sensationnalistes et émotionnelles, accentue la peur du terrorisme. De plus, des événements rares mais fortement médiatisés, comme des « agressions aléatoires commises par des inconnus », paraissent plus effrayants que leur fréquence réelle ne le justifie[2].
- Décalage avec la réalité : une très grande majorité d’Américains croient que la criminalité a augmenté, même lorsque les données montrent une baisse importante. Les gens tendent aussi à surestimer leur probabilité de devenir victime d’un crime violent, et ceux qui vivent dans des zones à faible criminalité se disent parfois « plus effrayés que ceux qui habitent dans les rares quartiers où elle est réellement courante »[3].
Effets sur les politiques et la reddition de comptes
Les choix de cadrage des médias influencent les débats politiques et les décisions judiciaires.
- Réduction de la reddition de comptes : le langage utilisé dans la couverture des homicides policiers joue un rôle déterminant. Les participants à des expériences exposés à des formulations qui disculpaient ou minimisaient la responsabilité de la police étaient « moins susceptibles de tenir les policiers pour moralement responsables et d’exiger des sanctions »[4].
- Influence sur les politiques : en convainquant le public que la criminalité est endémique et que la sécurité passe par la répression, les médias contribuent à « semer les germes d’un état d’esprit autoritaire »[5], aidant ainsi les fonctionnaires à persuader la population que la solution réside dans le maintien de l’ordre plutôt que dans les services sociaux comme la santé, l’éducation ou le logement. Un exemple historique en est la complicité des médias dans la diffusion du récit des « superprédateurs juvéniles » dans les années 1990, un récit « totalement erroné » qui a conduit 48 États sur 50 à modifier leurs lois pour juger les adolescents comme des adultes[6].
Répercussions sur les victimes et les communautés
La nature du traitement médiatique du crime inflige souvent des préjudices particuliers aux victimes et aux communautés touchées.
- Déshumanisation : en mettant l’accent sur les données officielles, les victimes sont souvent réduites « à un chiffre ou à une donnée statistique »[7]. Le flux constant de nouvelles sur la criminalité urbaine « est conçu pour raconter la douleur et la tragédie de ces communautés sans réel effort de mise en contexte »[8].
- Aggravation des traumatismes : il a été démontré que la couverture médiatique complique le processus de rétablissement des victimes de traumatismes. Elle cause également du tort en amplifiant « un récit erroné sur les responsables du crime » et en renforçant des stéréotypes inexacts, notamment à l’égard des communautés racisées[9].
- Effet d’imitation : même si la recherche ne démontre pas que la couverture médiatique du crime incite directement à en commettre, elle prouve qu’elle influence le style et les techniques des criminels[10]. Ainsi, la forte médiatisation des inscriptions sur les balles utilisées par l’auteur de la tuerie de Christchurch en 2019 semble avoir conduit d’autres meurtriers à s’attendre à une attention similaire pour les messages qu’ils laissent de la même manière[11].
[1] Novak, S. (2024) Why we believe the myth of high crime rates. Scientific American.
[2] Humphreys, A. (2023) Random unprovoked stabbings in Ontario rekindle outsized public fear of stranger attacks. The National Post.
[3] Novak, S. (2024) Why we believe the myth of high crime rates. Scientific American.
[4] Moreno-Medina, J., Ouss, A., Bayer, P., & Ba, B. A. (2025). Officer-involved: The media language of police killings. The Quarterly Journal of Economics, 140(2), 1525-1580.
[5] Golding, Y.T.R. (2025) The Media’s Role in Spreading Copaganda. Columbia Journalism Review.
[6] Allen, B. (2023) Newsrooms struggle over how to cover crime. Poynter.
[7] (2024) Better Gun Violence Reporting: A Toolkit for Minimizing Harm. FrameWorks.
[8] Jones, L.A. (2022) Lights. Camera. Crime. The Philadelphia Inquirer.
[9] Allen, B. (2023) Newsrooms struggle over how to cover crime. Poynter.
[10] Rios, V. (2018). Media effects on crime and crime style. Journal of Crime Media Culture, 14(1), 24-36.
[11] Clayton, A. (2025) ‘It’s all performative’: why are shooters leaving messages on shell casings? The Guardian.