Inoffensifs les dessins animés ?

Marie-Josée ArchambaultEn tant que parent, nous sommes bien souvent préoccupés par les contenus médiatiques que consomment nos enfants. Car bien sûr, en plus d’être distrayants, nous aimerions bien que ceux-ci ne soient pas trop violents. Et qu’au mieux, ils véhiculent des valeurs socialement acceptables à nos chers petits.

Qu’ils demeurent dans l’esprit « bon enfant » finalement ! Ou à tout le moins, qu’ils soient inoffensifs !

C’est pourquoi, je l’avoue, je suis tombée des nues alors que je lisais récemment un article dans lequel on racontait que des chercheurs britanniques, auteurs d’une étude publiée dans le British Medical Journal, en étaient venus à la conclusion que les longs métrages animés de Disney – rien de moins que les productions parmi les plus prisées de nos enfants ! – étaient dans les faits beaucoup plus violents… que les films pour adultes !

Inutile de dire que j’ai été très surprise de découvrir que selon ces mêmes chercheurs, les personnages principaux des films de Disney par exemple ont dans les faits 2,5 fois plus de risques de mourir que les protagonistes des films pour adultes. Et rien de moins que trois fois plus de chance d’être tués.

Selon ces mêmes chercheurs, la mort d’un personnage important (par exemple, les parents de La reine des neiges, le père de Simba dans Le Roi Lion, etc…), comme dans une recette, intervient très souvent, soit dans deux productions sur trois. Alors que la même fatalité n’intervient que dans un film sur deux destiné à un public plus large. Plus encore, même si certaines de ces morts de dessins animés peuvent sembler anodines de prime abord, elles résultent néanmoins d’une grande violence : morts par balles (Bambi, Pocahontas, Peter Pan), à l’arme blanche (La petite sirène, La belle au bois dormant, etc). Ou encore, attaques d’animaux (Le Monde de Nemo, Tarzan,…) 

Je l’avoue ! Cet article a laissée perplexe la maman que je suis, dont le gagne-pain consiste justement à évaluer les contenus télé dans le but d’en déterminer les classements (Général, 8+, 13+, etc). Car comme tout parent - comme vous je l’imagine ! - j’avais toujours pensé que les dessins animés étaient plutôt inoffensifs. Que ces productions étaient sans doute celles face auxquelles en tant que mère, j’avais le moins à m’inquiéter !

Plus encore, me disais-je ! Les fables pour enfants, telles celles de Lafontaine, n’ont-elles pas toujours un peu misé là-dessus justement ? La peur dans les rebondissements ! Un phénomène que l’auteur et psychologue pour enfants, Bruno Bettelheim, explique d’ailleurs parfaitement dans son essai « Psychanalyse des Contes de Fées » (Robert Laffont) : « Si les enfants aiment les contes de fées, (…) c'est parce que, malgré toutes les pensées coléreuses, anxieuses auxquelles le conte, en les matérialisant, donne un contenu spécifique, les histoires se terminent toujours bien, issue que l'enfant est incapable de trouver tout seul. »

Reflet d’un consensus social

Surprise alors par les résultats de cette étude ? Oui et non finalement !

Car bien sûr, en tant que responsable de l’évaluation des contenus télé, je suis bien placée pour savoir que tout cela, la vision que nous avons en tant que société du degré de violence d’une production, ce n’est rien d’autre que le résultat d’un consensus social. De sorte qu’il arrive bien souvent que ce qui était acceptable dans les années soixante ne le soit plus aujourd’hui, quelques cinquante ans plus tard.  Et inversement !

Des exemples ?

Cet automne, la télévision suédoise a annoncé sa décision d’expurger certaines scènes des téléfilms mettant en vedette le personnage Fifi Brindacier (de l’auteur Astrid Lindgren) sous prétexte de prévenir les éventuelles accusations …de racisme. Qui se rappelle en effet de ces téléfilms diffusé ici dans les années soixante-dix ou quatre-vingts se souviendra peut-être que lorsque Fifi y parlait de son père, c’était en qualifiant celui-ci de « roi des nègres ». Ou encore, d’une autre scène dans laquelle, alors qu’elle jouait aux chinois, la petite fille espiègle feignait d’avoir les yeux bridés afin d’imiter les chinois…. Des scènes vraisemblablement jugées aujourd’hui potentiellement dérangeantes et délicates par la télévision suédoise.

Même Bugs Bunny n’échappe pas à la rectitude politique visant les contenus !

Qui d’entre nous n’est jamais tombé sur un vieil épisode de Bugs Bunny et/ou Daffy Duck, séries animées de Looney Tunes qui semblent ne jamais devoir vieillir ? Une série animée qui pourtant, est vue aujourd’hui comme l’une des plus violentes avec sa tendance à présenter quantité de gags douteux sur le suicide. Lapins, canards, loups, grenouilles…. Tous s’y faisant en effet allègrement sauter la cervelle ! À ce titre, un dessinateur américain a mis récemment en ligne cette petite vidéo dans laquelle est présentée une compilation des suicides par armes à feu que l’on retrouve chez les « petits bonshommes »…

De quoi faire frémir n’importe quel parent !

Dans certaines séquences, tous les personnages vont jusqu’à s’entretuer au pistolet ou à la bombe. Parfois les deux en même temps ! Un taureau qui se met un pistolet sur la tempe dans un vieux Daffy Duck de 1947 ? Grosminet qui fait exploser un autre chat avec de la dynamite ? Grosminet encore qui fume, qui boit, qui fait semblant de parler en chinois dans une scène produite en 1942 ? Toutes ces scènes ont aujourd’hui été censurées. Dans un pays comme les États-Unis où les tueries dans les écoles sont tristement fréquentes et où quelques 20 000 personnes se suicident chaque année au moyen d’armes à feu – des armes qui au demeurant, sont accessibles à tous ! – plus aucun producteur de dessins animés de ne permettrait aujourd’hui de mettre en scène autant d’éléments de violence que ne l’a fait Looney Tunes en son temps ! Et cela même si bien sûr, je n’ai personnellement jamais connu personne qui se soit suicidé pour avoir regardé des Box Bunny hargneux !

La différence avec cette époque où nous même étions enfants et que nous écoutions ces dessins animés, en apparence plus violents que ceux présentés aujourd’hui, réside peut-être dans l’encadrement de l’époque, encore largement influencé par notre culture judéo-chrétienne. Cela par rapport à celle d’aujourd’hui où nous jeunes semblent baigner dans une multitude de contenus face auxquels ils ne sont pas toujours outillés pour en distinguer les éléments qu’on y trouve maintenant.

Je n’en sais rien – probablement pas plus que vous d’ailleurs- mais je pense que la question se pose ! Est-ce qu’en tant que parents d’aujourd’hui, nous aussi dépassés par l’évolution quasi déchaînée de tout cet univers médiatique, nous outillons mal nos enfants face à cette violence qui est tout aussi présente dans la société que dans les dessins animés ?

Peut-être bien !

D’où l’importance, je pense, en tant que parent, d’accompagner nos jeunes dans leur écoute et leur consommation médiatique. Parce qu’au fond, même le plus banal n’est pas nécessairement inoffensif ! Ou à tout le moins, conforme à ces valeurs que nous avons envie de transmettre à nos enfants. Mais il peut être l’occasion idéale pour ouvrir la discussion avec eux !

Ce qui n’est jamais une mauvaise chose finalement

Enfin, il ne faut jamais oublier que ce ne sont pas tous les jeunes qui vont réagir de la même façon aux mêmes contenus. Et qu’au final, il ne faudrait pas oublier de tenir compte de l’âge, de la personnalité, de la maturité et même du sexe de nos enfants de sorte d’ajuster nos conversations et/ou interventions auprès  d’eux en fonction de ces éléments.

À ce titre, je vous recommande cette fiche-conseil produite par Habilo Médias permettant d’en savoir un peu plus sur les meilleures façons d’aborder le sujet de la violence dans les médias avec les jeunes.  

Et pour aller plus loin, vous trouverez sans doute pertinent également ce lien intitulé « L’art d’être parent à l’ère du numérique ».